**** *creator_lamartine *book_lamartine_meditations *style_verse *id_saul *date_1823 *sexe_neutre *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_saul Peut-être… Puisqu'enfin je puis le consulter, Le Ciel peut-être, est las de me persécuter ? À mes yeux dessillés la vérité va luire : Mais au livre du sort, ô Dieu ! que vont-ils lire ?… De ce livre fatal qui s'explique trop tôt, Chaque jour, chaque instant, hélas ! révèle un mot. Pourquoi donc devancer le temps qui nous l'apporte ? Pourquoi, dans cet abîme, avant l'heure… ? N'importe C'est trop, c'est trop longtemps attendre dans la nuit Les invisibles coups du bras qui me poursuit ! J'aime mieux, déroulant la trame infortunée, Y lire ; d'un seul trait, toute ma destinée ! Est-ce toi qui, portant l'avenir dans ton sein, Viens, au roi d'Israël, annoncer son destin ? Qui donc es-tu ? Tremble de me tromper ! Eh bien ! qu'apportes-tu ? Parle. Eh quoi ! tu trembles et tu verses des pleurs ! Quoi ! ministre du Ciel, tu n'es plus qu'une femme ! Par tes feintes terreurs penses-tu m'ébranler ? Tes lenteurs, à la fin, lassent ma patience : Parle, si tu le peux, ou sors de ma présence ! Que dis-tu de David, de Jonathas ? achève ! Qui donc ? Eh bien ? Achève ! Perfide ! qu'as-tu dit ? lui, David, couronné ? Silence ! c'est assez : j'en ai trop écouté. Tais-toi, dis-je, tais-toi ! Ton audace à la fin a comblé la mesure : Va, tout respire en toi la fourbe et l'imposture. Dieu m'a promis le trône, et Dieu ne trompe pas. Crois-tu qu'impunément ta bouche ici m'outrage ? Sais-tu quel sort t'attend ? Sais-tu… ? Non, non, perfide, arrête ! écoute, et réponds-moi. C'est souffrir trop longtemps l'insolence et l'injure : Je veux convaincre ici ta bouche d'imposture. Si le Ciel à tes yeux a su les révéler, Quels sont donc ces forfaits dont tu m'oses parler ? Non : parle si tu sais. Samuel ! Samuel ? Eh quoi ! que veux-tu dire ? Eh bien, qu'a de commun ce Samuel et moi ? Qui ? Monstre, qu'a trop longtemps épargné ma clémence, Ton audace à la fin appelle ma vengeance ! Tiens ; va dire à ton Dieu, va dire à Samuel, Comment Saül punit ton imposture… Ô Ciel ! Ciel ! que vois-je ? C'est toi ! c'est ton ombre sanglante ! Quel regard !… Son aspect m'a glacé d'épouvante ! Pardonne, ombre fatale ? oh ! pardonne ! oui, c'est moi, C'est moi qui t'ai porté tous ces coups que je vois ! Quoi ! depuis si longtemps ! quoi ! ton sang coule encore ! Viens-tu pour le venger ?… Tiens… Mais il s'évapore !… **** *creator_lamartine *book_lamartine_meditations *style_verse *id_lapythonisse *date_1823 *sexe_neutre *age_sans-age *statut_exterieur *fonction_autres *role_lapythonisse C'est moi. La voix du Dieu suprême. Saül, tremble toi-même ! Ton arrêt ! Ô ciel ! Pourquoi m'as-tu choisie entre tout Israël ? Mon cœur est faible, ô Ciel ! et mon sexe est timide. Choisis, pour ton organe, un sein plus intrépide ; Pour annoncer au roi tes divines fureurs, Qui suis-je ? Détruis donc, ô mon Dieu, la pitié dans mon âme ! Mais ma bouche, ô mon roi ! se refuse à parler. Que ne puis-je sortir, emportant avec moi Tout ce qu'ici je viens prophétiser sur toi ? Mais un dieu me retient, me pousse, me ramène ; Je ne puis résister à son bras qui m'entraîne. Oui, je sens ta présence, ô dieu persécuteur ! Et ta fureur divine a passé dans mon cœur. Mais quel rayon sanglant vient frapper ma paupière ! Mon œil épouvanté cherche et fuit la lumière ! Silence !… l'avenir ouvre ses noirs secrets ! Quel chaos de malheurs, de vertus, de forfaits ! Dans la confusion je les vois tous ensemble ! Comment, comment saisir le fil qui les rassemble ! Saül… Michol… David… Malheureux Jonathas ! Arrête ! arrête, ô roi ! ne m'interroge pas. Que l'ombre se dissipe et le voile se lève : C'est lui !… David !… Il est vainqueur ! Quel triomphe ! Ô David ! que d'éclat t'environne ! Que vois-je sur ton front ? Une couronne !… Hélas ! et tu péris, jeune homme infortuné ! Pour pleurer ton sort, belle et tendre victime, Les palmiers de Cadès ont incliné leur cime !… Grâce ! grâce, ô mon Dieu ! détourne tes fureurs ! Saül a bien assez de ses propres malheurs !… Mais la mort l'a frappé, sans pitié pour ses charmes, Hélas ! et David même en a versé des larmes !… Saül, pour tes forfaits ton fils est rejeté. D'un prince condamné Dieu détourne sa face, D'un souffle de sa bouche il dissipe sa race : Le sceptre est arraché !… Saül, Saül, écoute un Dieu plus fort que moi ! Le sceptre est arraché de tes mains sans défense ; Le sceptre dans Juda passe avec ta puissance, Et ces biens, par Dieu même, à ta race promis, Transportés à David, passent tous à ses fils. Que David est brillant ! que son triomphe est juste ! Qu'il sort de rejetons de cette tige auguste ! Que vois-je ? un Dieu lui-même… ! Ô vierges du saint lieu ! Chantez, chantez David ! David enfante un Dieu !… Dieu promet ses fureurs à des princes ingrats. Crois-tu faire d'un Dieu varier le langage ? Ce que je sais, C'est que ton propre bras va punir tes forfaits ; Et qu'avant que des cieux le flambeau se retire, Un Dieu justifiera tout ce qu'un Dieu m'inspire. Adieu ; malheureux père ! adieu, malheureux roi ! L'ombre les a couverts, l'ombre les couvre encore, Saül ! Mais le Ciel voit ce que la terre ignore. Ne tente pas le Ciel. L'ombre de Samuel te dira ces forfaits… Toi-même, en traits de sang, ne peux-tu pas le lire ? Qui plongea dans son sein ce fer sanglant ? Toi !